Les relations sexuelles au sein du couple marié sont-elles obligatoires ?

Un reportage du JT de France 2 du 18 mars 2020 évoque le cas d'une femme qui "a été reconnue coupable de refus de relations sexuelles avec son mari par la Cour de cassation". Cette décision a provoqué de nombreux émois dans le grand public. Afin de dépassionner les débats, notre cabinet d'avocat en droit de la famille à Orléans souhaite revenir sur cette décision de la Cour de Cassation qui s'est exprimée en septembre 2020 sur un arrêt de la Cour d'Appel de Versailles de 2019.

Remettre l'église au centre du village

Selon Jérôme Debeauce : "Ce n'est pas qu'une femme a été reconnue coupable de refus de relations... Avec le sous-entendu qu'elle aurait commis une infraction pénale. La Cour de Cassation a jugé que le fait de refuser d'avoir des relations sexuelles avec son mari constituait une faute. C'est-à-dire une « violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune » (article 242 du code civil), justifiant que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l’époux fautif.

Quelles sont les obligations du mariage ?

A cette question, Maître Debeauce rappelle le code civil : "Aucun article du code civil ne dit que les relations sexuelles sont une obligation entre époux. Les obligations nées du mariage sont régies par deux articles :

  • l'article 212 : les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.

  • l'article 215 : les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie".

Interprétation

Ce qui est en dehors de ces articles : "c'est de la libre interprétation" selon Maître Debeauce. Cela relève même de la "question sociétale".

Est-ce une légalisation du viol conjugal ?

"Pas du tout !" rétorque Maître Debeauce. L’obligation à une communauté de vie telle qu’interprétée par la Cour de Cassation n’autorise pas le mari (ou la femme) à contraindre son épouse ou époux à des relations sexuelles. “Réduire cette décision à une légalisation du viol conjugal, c'est faire un énorme raccourci ! Et puis, la solution posée par la Cour de Cassation n’est pas nouvelle. Déjà, le 03 mai 2011, la cour d'appel d'Aix en Provence avait condamné un mari et accordé à sa femme des dommages et intérêts pour abstinence sexuelle !".

Faut-il changer la loi ?

Là encore notre avocat en droit de la famille à Orléans souhaite prendre du recul. "Quand quelque chose ne va pas, tout à chacun demande de changer les textes, entraînant une inflation législative, souvent inutile. Agir ainsi, c'est agir sous le coût de l'émotion. En revanche, ce qui me semble plus pertinent, c'est que la jurisprudence évolue pour coller aux aspirations de la société actuelle. C'est-à-dire que l'interprétation de l'article 215 évolue et que la notion de « communauté de vie » soit revue ou clarifiée.

Rappel

En dernier lieu, notre cabinet d'avocat en droit de la famille à Orléans souhaite rappeler deux réalités qui doivent éclairer le débat consécutif à l’Arrêt de la Cour de Cassation.

Le divorce pour faute en France

Ce sont des chiffres que nous évoquions déjà l'an dernier. Le divorce pour faute est devenu confidentiel en 2020 (5 à 7%). Alors qu'il représentait 40% au début des années 2000. Principalement, les divorces pour faute trouvent leurs causes dans l'adultère et les violences physiques ou verbales. Ainsi un divorce pour faute pour absence de relations sexuelles au sein d'un couple est infinitésimal.

Cour de Cassation & Cour d'Appel

Contrairement à ce qui est évoqué au tout début du reportage, la Cour de Cassation n'a pas "condamné" cette femme. En effet, la particularité de la plus haute Cour de France est de juger le droit. Voir si celui-ci a bien été appliqué ou non par les Juges d’une Cour d'appel.